Evgeny Svetlanov est né à Moscou le 6 septembre 1928 dans une famille d’artistes et de musiciens. Ses parents étaient tous les deux membres de la troupe du Théâtre Bolchoï et sa mère, née Krouglikova, y chantait Tatiana dans « Eugène Oneguine » et le rôle-titre de « Madama Butterfly » : dès l’enfance, Evgeny succombe à l’appel du théâtre et il joue par exemple le fils de Cio-Cio-San sur la première scène lyrique d’Union soviétique (c’est d’ailleurs au nom de ce souvenir qu’il dirigera une dernière fois l’opéra de Puccini à Montpellier, un mois avant de disparaître la boucle sera bouclée).
Elève à l’Ecole Gnessine jusqu’en 1951 et au conservatoire de Moscou jusqu’en 1955, il a pour professeurs de composition Mikhaïl Gnessine et Youri Chaporine, dont il enregistrera par la suite les oratorios et les cantates ; pour professeur de piano, le grand Heinrich Neuhaus ; pour la direction d’orchestre, il s’en remet à Alexander Gaouk, fondateur de l’Orchestre Symphonique d’Etat d’URSS en 1936 et figure tutélaire de l’interprétation moderne : » Avant la Révolution, racontait Svetlanov, même s’il existait d’excellents chefs, comme Balakirev et Rubinstein, l’école russe de direction d’orchestre n’existait pas en tant que telle : c’est Gaouk qui l’a créée et, ne serait-ce que pour cela, son nom devrait rester comme l’un des tout premiers de notre histoire musicale. » Parmi les autres élèves de Gaouk, rien moins qu’Alexander Melik-Pacheïev et Evgueni Mravinski…
Ses premiers concerts, Svetlanov les dirige à la radio dès 1953, encore étudiant. Deux ans plus tard, il retourne au Bolchoï comme chef assistant : en 1962, il en sera nommé premier chef d’orchestre, puis chef d’orchestre d’honneur en 1999, lorsqu’il dirige une nouvelle production de « La Pskovitaine ». Il s’y était familiarisé avec les grands opéras de Tchaïkovski, Rimski-Korsakov, Borodine et Moussorgski, mais aussi avec bon nombre de ballets qui lui ont permis de parfaire sa technique et sa connaissance de la littérature musicale russe tout en étant confronté aux servitudes de l’alternance d’un théâtre de répertoire. En 1964, il est à la tête de la première tournée du Bolchoï en Italie, tournée qui rencontre un succès phénoménal.
L’année suivante, Evgeny Svetlanov prend les rênes de l’Orchestre Symphonique d’Etat d’URSS, une formation qu’il connaît déjà depuis dix ans, et qu’il présidera à sa destinée pendant plus de trente-cinq saisons, de concerts d’abonnement à Moscou (et partout dans l’Union) en tournées triomphales à l’étranger et en enregistrements innombrables : c’est à la tête de cet orchestre que le chef entreprend d’ailleurs de graver une anthologie de la musique russe qui couvre toute la période romantique et post-romantique jusqu’à l’âge moderne. Entreprise de titan que Svetlanov a su mener à bien méthodiquement pendant vingt-cinq ans tout en servant, au disque comme au concert, les répertoires germanique (de Mozart à Schönberg, avec une préférence marquée pour Mahler) et français (Debussy, Ravel et Dukas, à l’exception notable de Berlioz). Deux cent cinquante CD seraient en fait nécessaires pour rééditer cette anthologie, véritable encyclopédie de la musique symphonique et concertante russe… Cependant, ce sont plus de trois mille enregistrements que Svetlanov aura effectué tout au long de sa carrière pour plusieurs éditeurs russes, japonais, français.